Publié par riahik le
Déterminer objectif client en B2B. Attention aux évidences !
Tout le monde sait que déterminer les objectifs d’un client en B2B est une étape importante d’une vente. C’est encore plus vrai pour les innovations. C’est d’ailleurs le sujet du module 2 de la méthode FIM.
Mais on sait moins que les apparences sont souvent trompeuses. Voici l’exemple d’une startup qui m’a sollicité, du temps qu’elle a perdu, et des raisons de cette perte de temps. Je donnerais aussi quelques astuces pour distinguer les objectifs véritables des objectifs apparents.
1. L’exemple
La société Mazar (j’ai évidemment anonymisé mon histoire) est une startup qui propose un service de vérification des feuilles de paie. Ce service permet, entre autres, de détecter certaines fraudes documentaires, et donc de réduire les risques de défaut de remboursement de crédits.
Un de ses marchés naturels est le secteur de la banque de réseau. Il a été facile de déterminer quels clients, au sein des banques, ont cet objectif : les directions de la conformité et des risques. Mais les discussions avec les spécialistes fraude de certaines banques s’éternisaient. Leur comportement surprenait Mazar : au lieu de discuter du montant des défaut de paiement, ils souhaitaient que la solution détecte des types de fraudes variés, spécifiquement des fraudes qu’eux-mêmes et leurs outils détectaient mal.
Malheureusement, la solution Mazar était construite sur un examen manuel et une vérification auprès des employeurs. Elle ne pouvait pas répondre aux demandes des spécialistes des fraudes des banques. Il aurait été préférable de fournir une solution d’intelligence artificielle.
Quelques mois après le début de ces discussions, j’ai rencontré Mazar. Après quelques réunions sur d’autres sujets, la question est arrivée dans nos échanges. J’ai moi-même été étonné du comportement de ces clients. Puis la solution de l’énigme m’est apparue : les responsables des fraudes de ces banques n’ont pas la réduction du montant des fraudes comme objectif. Mazar n’avait pas fait l’effort de déterminer les objectifs de ses clients. Les responsables des fraudes sont chargés de fournir des outils de détection, qui sont ensuite paramétrés par les opérationnels, pour se conformer à un objectif de couple rendement/risque fixé par la direction générale. Mazar s’était donc complètement trompé d’interlocuteur, et perdait son temps. Pire : son image auprès de ses prospects de dégradait de réunion en réunion.
2. Que faire si on s’est trompé d’interlocuteur ?
Il est toujours possible de sortir de ce genre de situation, même si c’est souvent assez pénible. Dans le cas de Mazar, il faut aller voir les directeurs des risques et de la conformité, pour expliquer la situation. « Monsieur le directeur, nous n’avançons pas. Vos collaborateurs ne sont pas les personnes qu’il nous faut, car notre solution réduit les provisions pour risques alors qu’ils sont chargés des fraudes. Qui devrions nous aller voir ? ».
Il faut évidemment prendre garde à ne pas critiquer ses interlocuteurs, mais bien focaliser l’échange sur les fonctions et les objectifs clients, ainsi que sur le vrai service rendu par la solution.
Cette démarche est souvent délicate, quand elle peut être interprétée comme un échec à convaincre. Mais l’alternative est pire : laisser la démarche pourrir, et attendre longtemps avant de revenir à la charge, à l’occasion de changement de personnes ou de nouveaux arguments.
3. Comment déterminer les vrais objectifs de ses clients en B2B ?
Dans notre exemple, l’erreur avait deux origines. D’une part Mazar n’avait pas fait de réelle recherche des objectifs de ses clients B2B en amont (la phase 2 de FIM), et s’était laissé induire en erreur par de fausses évidences (les responsables des risques cherchent évidemment à réduire les risques). D’autre part, Mazar avait fait une erreur de vocabulaire : employer le mot « fraude » au lieu du mot « risque » ou du mot « provisions ».
La méthode FIM inclut une étude des objectifs des différentes partie prenantes des clients ciblés (ce que j’ai appelé « client » plus haut). Elle est assez classique, et prend la forme de recherche sur internet suivie d’entretiens de découverte.
Il me semble toutefois, au vu de mon expérience, nécessaire d’insister sur trois aspects, très mal compris de mes clients.
- Bien séparer les entretiens de découverte de toute activité commerciale ou opérationnelle. C’est essentiel. Normalement, à ce stade, l’offre n’est pas encore bien construite. On risque, à transgresser cette règle, que le client réagisse ce qu’il en perçoit. Or il trouvera toujours un défaut, et rejettera l’innovation. Et vous n’aurez rien appris des objectifs de votre client.
- Bien présenter la démarche comme gagnant-gagnant : « Monsieur, nous voulons concevoir le meilleur produit possible, celui qui vous satisfera au mieux. Pourriez-vous nous consacrer un peu de votre temps pour nous permettre de bien comprendre vos processus et vos contraintes ? »
- Et surtout, ne pas se contenter des discours officiels. Il faut être le plus concret possible, faire parler de réalité quotidienne, et croiser avec quelques chiffres (« je comprends que telle situation vous est pénible. A quelle fréquence arrive-t-elle ? Que coûte sa résolution ? »). Un excellent test est le suivant « de quoi discutez-vous le soir avec votre patron ? Sur quoi insiste-t-il ? ».
4. Déterminer les objectifs de ses clients B2B : une condition du succès
omprendre les objectifs de ses clients est évidemment important dans tous les cas. Ce l’est d’autant plus que l’offre est innovante. En effet, dans le cas d’une innovation incrémentale, il s’agit de faire un peu mieux ce qui est déjà fait. Le porteur de la solution est dans un terrain connu, il ne peut pas beaucoup se tromper. Au contraire, dans le cas d’une innovation de rupture, le risque d’erreur est maximal, comme le montre l’exemple de Mazar, ou celui de d’un de mes client vendeur d’une solution de planification ferroviaire.
Prenez garde à bien déterminer les objectifs clients que vous allez satisfaire, mais aussi ceux que vous allez heurter (s’il en existe) : ces derniers sont les sources des résistances dont les innovateurs se plaignent d’autant plus qu’ils ne les comprennent pas.