Publié par riahik le

Vente d’une innovation à une organisation en silos : la difficulté de comprendre les non-dits de ses clients

Voici un exemple réel, tout à fait représentatif, d’une start-up qui tentait la vente de son innovation à des clients organisés en silos. Nous avons pu comprendre pourquoi une offre d’économie d’énergie pour les bâtiments tertiaires se vendait bien chez les foncières, mais pas chez les grands industriels comme les banques. Cela a permis à la direction de la startup de se recentrer, sans états d’âme, sur le segment qui marchait. Cela a aussi permis à un commercial free-lance, spécialisé dans la banque, d’arrêter de perdre son temps.

L’entreprise : Oze-Energies

Oze Energies, la startup dont je vais vous parler, offre une solution originale d’optimisation de la consommation énergétique des bâtiments tertiaires, que je ne décrirai pas ici. Elle met en avant deux bénéfices :

  • Une réduction moyenne des consommations de 25%
  • Sans travaux ni investissements

Cette offre s’est assez naturellement vendue à de foncières. Puis notre startup s’est intéressée à de grandes entreprises comme des banques (pour leur immobilier d’exploitation, les immeubles qu’elles occupent pour leur propre activité et pas seulement en tant qu’immobilier de rapport). Dans ce second segment, elle a n’a obtenu que des succès d’estime correspondant à des enjeux secondaires, (le confort thermique et la sécurité sanitaire, que la solution améliore en même temps qu’elle réalise les économies d’énergie). Voici l’histoire, et son explication.

Les enjeux des foncières : pourquoi l’offre s’y développe

Rappelons que les foncières sont des sociétés propriétaires de bâtiments, qui les louent à leurs occupants. Elles sont sensibles à trois enjeux :

  • Le montant des loyers, ce qui inclut le taux de vacances. (leur chiffre d’affaires)
  • La valeur vénale de bâtiments, (qui constitue l’essentiel de leur actif)
  • et le montant des investissements qui pourrait permettre d’augmenter loyer ou valeur vénale (le principal poste d’investissement après les acquisitions).

Il arrive qu’une foncière puisse répercuter les économies d’énergie sur son locataire, mais c’est en fait assez rare. Le premier bénéfice (l’économie d’énergie) n’est donc monétisé directement que pour les locataires.

En revanche, une réglementation récente leur impose un programme de travaux de réduction des consommations énergétiques. Ceci rentre dans leur seconde grande préoccupation. L’offre de Oze-Energies leur permet de respecter cette réglementation à moindre coût, et en la refacturant au locataire. C’est la parution de ce texte qui a permis le développement de la société et de son approche disruptive.

Pourquoi cela ne marche pas dans les banques ?

Confortée par ces premiers succès, notre startup s’est naturellement tournée vers de grandes entreprises, pour équiper leurs parcs de bureaux. L’idée était que ces clients auraient le double bénéfice :

  • La conformité avec la nouvelle réglementation sans travaux, comme les foncières
  • Plus l’économie sur les dépenses énergétiques.

Elle s’est associée à un commercial free-lance, qui connaissait parfaitement le monde des banques. Ce commercial a ouvert les portes dans les principales banques françaises. Mais sans le moindre succès malgré un bon accueil. C’est ce commercial qui m’a consulté, pour comprendre les raisons de cet échec et trouver une solution.

Voici mon analyse : il faut se pencher non pas sur le intérêts de la banque, mais sur ceux de leurs directions de l’immobilier, qui sont les décideurs pour notre offre.

Les banques sont les bénéficiaires des économies d’énergies dans les bâtiments qu’elles occupent, et le taux de retour sur investissement de la solution d’Oze était excellent. Mais cet argument rationnel ne fonctionne pas. Pourquoi ? Ces directions gèrent des actifs qui valent des milliards d’euros. En pratique, les gains financiers des économies d’énergie sont insignifiants par rapport à leurs enjeux quotidiens. Le bénéfice énergétique « passe en dessous des radars ».

Ces directions pourraient être plus sensibles à l’absence de coût d’investissement proposé par notre entreprise, car elles sont elles aussi soumises à la nouvelle réglementation. Mais apparait ici un phénomène pervers.

Contrairement aux foncières, les banques sont des organisations bureaucratiques, organisées en silos verticaux. Chaque direction a ses objectifs spécifiques, aucune ne travaille dans l’intérêt général de la banque. Comme dans toutes les organisations en silos, les directions fonctionnelles cherchent à augmenter leurs budgets et leurs pouvoirs (les lecteurs intéressés par plus de détails pourront lire Mintzberg).

La nouvelle réglementation est l’occasion de demander plus de moyens. Et la proposition de notre entreprise ne va pas dans le sens de leurs intérêts.

Un bon exemple des paradoxes de la vente de solutions innovantes pour les entreprises en silos : elles rencontrent souvent des obstacles puissants, dont les raisons réelles sont difficiles à comprendre.

Quelles solutions notre commercial et notre startup ?

Nous avons conclu que nous n’aurions aucun succès auprès des directions de l’immobilier des banques. Nous avons donc étudié une alternative : les « facility managers », les sociétés qui assurent la gestion technique des immeubles de bureaux des banques.

Ces sociétés ont en général un contrat qui les intéresse à la réduction des consommations. On pouvait donc tenter de les cibler comme clients, à la place des directions immobilières des banques.

Mais une analyse fine de enjeux de ces sociétés de facility management fait apparaitre un autre obstacle : elles sont également intéressées au montant des travaux qu’elles surveillent. La proposition d’Oze-Energies leur rapporte donc de l’argent d’un côté, mais lui en fait perdre de l’autre. Après quelques tentatives, il a été convenu d’arrêter d’investir commercialement sur cette piste.

L’entreprise et son commercial ont donc décidé, sans états d’âme, d’abandonner le marché des banques.

La vente d’une innovation dans une organisation en silo

Beaucoup de startups ont pour clients naturels des organisations organisées en silos : les banques, le assureurs, les compagnies pétrolières, les constructeurs automobile ou aéronautique.

Les décideurs, dans ces organisations, ne sont pratiquement jamais sensibles aux enjeux de rentabilité. Vendre une innovation à ces organisations supposent donc très souvent de très bien comprendre leurs enjeux réels. Et ces enjeux sont dissimulés : comment par exemple avouer que l’on se désintéresse de la rentabilité de son entreprise, et que l’on cherche à augmenter son budget ?

Si vous soupçonnez que vous êtes dans ce cas, si vous n’arrivez pas à vendre à des organisations en silos malgré une offre très rentable, si vous ne comprenez pas pourquoi on vous balade de réunion en réunion, je peux probablement vous aider.

N’hésitez pas à me contacter.



    Catégories : Innovation