Publié par riahik le
Rendre son innovation « évidente » pour gagner un temps précieux
La vente d’une innovation de rupture est souvent rendue difficile par la difficulté des clients à la comprendre. Par définition, l’innovation change les règles du jeu, et les références manquent. Il faut donc soigner ses méthodes et ses outils de vente. C’est la phase 5, celle où l’on construit enfin un modèle de vente efficace.
Parmi mes recommandations, en voici une qui pourrait sembler paradoxale. Les inventeurs, fiers de leur création, en listent naturellement les bénéfices à l’envie, avec le risque de noyer le client. Dans ce contexte, je préconise une solution ardue, mais très efficace : rendre l’innovation évidente.
Ceci fait partie du module 5 de ma méthode de vente des innovations de rupture.
Pourquoi rentrer dans la technique fait perdre du temps
Dans vos efforts de vente, vous trouverez les mots et les arguments pour convaincre vos clients de l’intérêt de votre nouvelle solution. Mais, si vous en avez l’expérience, vous vous heurterez souvent à des murs de verre. Vos prospects ne comprennent pas vraiment ce que fait votre solution, et comment elle marche. Ils vous poseront d’innombrables questions techniques, ils vous renverront vers des spécialistes, ils demanderont des preuves ou des témoignages…
Et, pendant tout ce temps, vous ne vendez pas. Vous pouvez penser que ce temps est utile. Je pense, au vu de mon expérience, qu’il doit être évité, qu’il est nuisible.
Les clients ont besoin de compréhension et de confiance
En réalité, vos clients ont deux problèmes face à votre solution.
Ils ont besoin de comprendre de quoi vous leur parlez. Les vraies innovations ne rentrent que rarement dans leurs « cases intellectuelles ». Ils essaient, en vous questionnant, d’en construire de nouvelles. Mais c’est difficile pour eux, et ils n’ont que rarement beaucoup de temps à vous consacrer.
Et ils ont besoin d’avoir confiance. De comprendre, à un niveau émotionnel comme à un niveau rationnel, que votre solution marche, et qu’elle tiendra ses promesses. C’est une nouveauté, donc forcément porteuse de risques. Ils veulent sentir qu’ils n’auront pas de problèmes, et surtout que vous serez présent et efficace pour les gérer.
Et, s’ils n’ont pas compris ou s’ils n’ont pas confiance, ils ont besoin de vous pour lever les oppositions et les réticences de leurs collègues.
Un cercle vicieux : trop de questions suscite encore des questions
J’ai vu dans plusieurs cas un cercle vicieux se mettre en place : le chef du service intéressé par une innovation pose des questions techniques, dont il ne comprend pas bien les réponses (il n’est pas technicien). Il fait appel à un service technique. Comme la solution est intéressante, ce service technique rentre dans les détails. Et plus il obtient de réponses, plus il a envie d’en savoir plus.
A la fin, il y a forcément une réponse qui déplait. Et tout se bloque.
Vente d’une innovation de rupture : voici un exemple de réussite
Voici l’exemple de ce que j’ai fait dans une vie professionnelle antérieure. J’étais le patron de la société Hydrelis, l’inventeur du disjoncteur d’eau. A mon arrivée, la société avait construit un argumentaire détaillé et précis: le disjoncteur pouvait suivre les consommations en temps réel, remonter des alertes, couper l’eau en cas de fuite, couper l’eau la nuit et la remettre la journée, être piloté à distance. Il existait en version autonome, en communication GSM ou filaire.
Ayant expérimenté ce discours chez des clients, j’ai vite été confronté à des demandes d’information sans fin. Et j’ai dû progressivement construire un nouveau discours. Le voici :
« Monsieur,
Nous avons développé un disjoncteur d’eau. Il a de nombreuses fonctions. Mais les clients qui vous ressemblent sont surtout intéressés par sa fonction de sécurité : il marche comme un disjoncteur électrique, il coupe l’eau en cas de fuite. »
Et je décrivais quelques références.
J’avais alors 2 ou 3 questions techniques. Les deux premières étaient toujours les mêmes :
Le client : « Comment reconnaissez-vous une fuite ? » Réponse : « C’est un débit d’eau constant qui dure trop longtemps »
Le client : « Comment est-il alimenté en énergie » Réponse : « Il marche avec une pile. Nous avons choisi SAFT, qui garantit 10 ans de fonctionnement ».
Parfois, j’avais une question sur les communications, ou sur les diamètres.
Nous rentrions alors dans le cœur du sujet : comment le client pouvait-il utiliser cette solution à son avantage ? C’est à ce moment que la vente de l’innovation de rupture devient possible.
Faites attention aux images
Les images sont de très puissants porteurs de messages. Tous vos documents doivent porter les bons messages implicites.
Quand vous aurez tout fait, vous aurez un modèle de vente. Vous saurez le niveau de ressources nécessaire pour réussir, vous connaitrez le temps de cycle normal, vous aurez une référence pour piloter vos commerciaux, et, last but not least, vous aurez de quoi convaincre vos actionnaires .
5 points cruciaux pour accélérer la vente d’une innovation de rupture
Cet exemple comporte quelques enseignements importants, qui sont devenus une partie de ma méthode de vente d’innovations de rupture.
- La solution est décrite en très peu de mots. Mais ils sont choisis pour que le client comprenne instantanément de ce dont on lui parle.
- Elle est présentée en référence à une chose similaire que le client comprend (une de ses « cases intellectuelles »). La clef ici est la référence au disjoncteur électrique, que tout le monde connait.
- On ne présente qu’un seul bénéfice. Toutefois, il est prudent de signaler, « en passant » d’autres bénéfices, pour le cas où on aurait mal anticipé par quoi le client pourrait être intéressé. La clef ici est « les clients qui vous ressemblent sont intéressés par … »
- Chaque question technique doit recevoir une réponse tout aussi évidente. Il s’agit de tuer chaque question, de donner le sentiment d’une évidence.
- Au-delà de quelques questions techniques, on sait qu’on est entré dans une perte de temps et dans une situation risquée.
Certaines solutions sont plus techniques que d’autres
Certains patrons de startup m’ont objecté que leur produit ou leur solution est beaucoup plus compliquée que mes simples disjoncteurs d’eau, et que ma solution ne marcherait pas. Il est vrai que chaque innovation est différente, et que certaines semblent plus complexes. Mais, sur le fond, c’est surtout une question d’attitude. On peut toujours simplifier une question, à condition de le vouloir, d’y passer du temps, et de s’attacher à l’essentiel.
Certaines solutions sont plus techniques que d’autres. Et donc plus difficiles à rendre « évidentes ». C’est par exemple le cas de la solution de copie virtuelle de bases de données que j’ai prise en exemple dans mon article sur la vente rapide d’une innovation. Cette solution était décrite avec une dizaine de transparents. Pour vendre efficacement, il a fallu les réduire à deux : la notion de copie virtuelle (nous nous sommes accroché à la notion générale de virtualisation, bien connue des DSI), et le principe d’implémentation sous Windows.
Cet exemple montre, d’ailleurs, à quel point il faut être rigoureux dans cet effort de recherche de l’évidence. Notre client avait vu, quelques mois plus tôt, la présentation en 10 transparents. Alors qu’il avait accepté de passer sa première commande, il s’est rétracté. Selon lui, l’implémentation de la solution aurait nécessité 100 hommes/jours. D’où venait cette estimation ? Juste de l’image de complexité donnée par cette ancienne présentation. Il m’a fallu deux mois pour corriger cette impression, et remporter l’affaire.
En conclusion
Rendez votre innovation de rupture évidente. C’est toujours difficile, et c’est très important.
Par l’évidence, vous parlez à l’intelligence émotionnelle de votre client, celle qui prend les décisions. Alors que par l’argumentaire technique, vous parlez à son intelligence rationnelle, celle qui n’a qu’un pouvoir de conseil.
Soyez fier de la qualité technique de votre innovation, mais pas au point de rentrer dans les détails ! En étant fier, vous communiquerez un bon message. En expliquant les détails, vous communiquerez des sentiments de complexité, de risque, de confusion.
Soyez conscient que les discussions techniques sont surtout du temps perdu et des risques.
Cette recherche de l’évidence peut être très difficile. Elle doit être très rigoureuse.
Si vous en avez besoin, je peux vous conseiller.