Publié par riahik le
La méthode FIM dans les grandes entreprises : construire un processus de gestion de l’innovation
La méthode FIM a été conçue pour accélérer des projets d’innovation, qu’ils soient menés par des startups ou par des entreprises plus traditionnelles. Une question s’est ensuite posée : en quoi peut-être utile pour des ETI ou de grands groupes ? Après avoir appliqué la méthode FIM à cette question, la réponse est : construire des processus de gestion de l’innovation.
Quel est le besoin principal du processus de gestion de l’innovation ?
C’est la première question à se poser.
Pour y répondre, il faut d’abord se demander quels sont les besoins de ces entreprises en ce qui concerne les innovations, et en particulier les innovations de rupture. Le besoin d’accélération est-il présent dans les grandes entreprises ? Si on applique la méthode FIM, il faut commencer par la phase de créativité : quel est le besoin dont la solution a le plus de valeur potentielle ?
L’intuition indique que la vitesse est, pour une entreprise de taille importante, moins importante que pour une startup. Mes observations le confirment. Quel serait alors le besoin principal ? Je pense qu’il s’agit de concevoir et de mettre en place une bonne gestion des innovations.
Depuis quelques années, on constate que les grands groupes ont véritablement la volonté de profiter des nouvelles technologies. C’est en particulier le cas de la digitalisation, et plus récemment de l’intelligence artificielle.
Mais ils rencontrent une contradiction : la plupart des grandes entreprises sont des organisations bureaucratiques (au sens de Mintzberg, voire mes notes de lecture), donc très peu capables de souplesse et d’innovation. Et l’on peut constater que cette volonté, récente, n’a rencontré que peu de succès dans leur mise en œuvre.
Quant à la valeur, on comprend en quoi elle est grande : adopter les bonnes innovations, efficacement, est un enjeu vital. Pensez à une banque, potentiellement menacée par des fintech, ou par ses concurrents qui adopteraient les meilleures technologies digitales plus vite et plus efficacement !
Comprendre le client, son organisation, sa stratégie, sa culture
Nous avons donc notre besoin. Il faut maintenant passer à la phase d’exploration, celle où l’on cherche à mieux comprendre l’organisation de nos futurs clients, de manière à pouvoir construire une offre pertinente.
J’ai pu commencer cette étude. Tous les clients sont différents, mais on rencontre tout de même des tendances fortes.
La plupart des prospects, et en tout cas ceux dont la difficulté d’innover est importante, sont des bureaucraties mécanistes, des sociétés dominées par des procédures, et organisées en silos. Beaucoup ont lancé des projets de sensibilisation à l’innovation ou montent des hackathons, sans grand succès. D’autres ont nommé des responsables de la digitalisation, de haut niveau, là encore sans grand succès. C’est logique, les organisations bureaucratiques ne peuvent pas, durablement et efficacement, être assouplies par des mesures aussi superficielles.
Ces organisations ont, en plus de leur rigidité, une seconde difficulté. Elles peuvent attirer autant de startup qu’elles veulent. Elles sont sollicitées par un nombre presqu’infini d’idées et de projets séduisants. Comment les choisir ? Si elles attendent que le tri se fasse naturellement, par le marché, elles perdent tout bénéfice de leurs tentatives d’aller vite.
Ces deux éléments ne sont qu’une partie de informations que l’on attend d’une phase 2 de FIM, mais elles nous suffiront pour décrire l’offre.
Construire le process de gestion de l’innovation
Nous avons relevé deux difficultés à résoudre : innover dans des organisations bureaucratiques, et sélectionner les bons projets. Il suffit donc de mettre en place un processus de gestion de l’innovation.
Voici les grandes lignes de la solution, qui utilisent évidemment les concepts et le savoir-faire de la méthode FIM.
- Plutôt que de forcer la bureaucratie à s’assouplir, utilisons la puissance des procédures. FIM rend le développement et la mise en œuvre des innovations, même les plus disruptives, aussi prévisibles que possible. Elle permet donc, intrinsèquement, de construire des procédures de gestion de l’innovation.
- Une telle procédure commence évidemment par une phase de créativité. Il s’agira en général, dans le cas d’une entreprise importante, d’identifier des innovations à l’extérieur. Mais la méthode fonctionne également parfaitement pour des idées internes. Cette phase de créativité consiste à identifier des innovations, mais aussi à en élargir les possibilités et à en trouver les meilleures applications.
- C’est dès cette étape qu’intervient le troisième ingrédient. La proposition comporte une analyse de la stratégie d’innovation de notre client : pourquoi veut-il innover, à quoi cela doit-il lui servir ? Et nous traduisons cette stratégie en un filtre d’entrée du processus.
- Le quatrième ingrédient consiste à construire notre processus, en quelques étapes, en nous inspirant des 5 phases de la méthode FIM. Nous insérons, entre chaque étape, un nouveau filtre. Ce filtre sert à éliminer aussi tôt que possible les mauvaises idées (le mentra « fail fast » du monde de l’innovation), et à guider l’équipe pour trouver des solutions adaptées aux besoins stratégiques.
Voici donc l’offre : un processus de gestion de l’innovation, efficace et construit en fonction de la stratégie de l’entreprise.
J’ai, à ce stade, eu quelques occasions de test chez des clients. Les premiers résultats sont spectaculaires.
Un exemple d’application, un des premiers pilotes de l’offre
Le client est un fabricant de composants électroniques très sophistiqués. Cette société a, en interne, une capacité d’innovation technologique extraordinairement productive. A mon arrivée, elle gérait plusieurs dizaines de projets d’innovations de rupture, avec un très faible taux de succès.
Face à cette profusion de projets, chacun poussé par un inventeur fier de son idée, elle ne disposait pas d’un outil objectif de sélection. Les projets étaient menés en parallèle, sans focalisation des ressources. Très peu débouchaient.
De plus, la force technologique de cette société avait pour corolaire une compétence marketing limitée. Elle développait des produits selon des spécifications faites par les inventeurs, puis tentait de les vendre. Avec une conséquence évidente : ses produits ne satisfaisaient jamais bien les clients.
Les principaux éléments du processus de gestion de l’innovation
Nous avons construit, ensemble, un processus qui règle ces deux difficultés. Il comporte 4 étapes, qui sont en réalité les 5 étapes de FIM légèrement regroupées. Ce processus guide les équipes projets dans leurs travaux, en les focalisant sur les besoins et sur la valeur client.
Ce processus intègre une grille d’évaluation très simple, avec une notation des projets sur 6 points. 2 points mesurent la taille du marché, 2 points la conformité à la stratégie, et enfin 2 points mesurent les perspectives de vitesse de croissance.
Je ne décrirai pas ici ces trois indicateurs, pour des raisons de confidentialité. Disons juste que la définition des critères évolue avec le processus, pour tenir compte de l’apprentissage : au début du projet on mesure un potentiel, alors qu’on obtient des données précises et réalistes en fin de projet. Disons aussi que ces critères sont construits en fonction de la culture, de l’organisation et de la stratégie de l’entreprise. La grille serait très différente chez d’autres clients.
Enfin, j’ajouterai qu’il a été possible de mettre en œuvre des procédures de décision de type « entreprise libérée », de manière compatible avec la culture de procédures de la société.
Quelques résultats
Dès le processus en place, la plupart des projets ont spontanément éliminés par l’équipe. Et, en contrepartie, elle s’est focalisée sur un tout petit nombre de projets, sur lesquels il a été facile de trouver des ressources.
Un autre résultat spectaculaire est la nature des projets : certains projets étaient considérés comme essentiels, alors que la grille a démontré leur peu de pertinence. L’équipe les a poursuivis, mais avec moins de priorité. Pour d’autres, elle a, avec beaucoup d’intelligence, pivoté, pour trouver des applications plus conformes à nos critères.
La phase 3 de la méthode FIM a trois objectifs : tester l’offre en conditions réelles chez des clients, mesurer le bénéfice client et valider une procédure de vente.
Ce qui conduit à une première conclusion : notre méthode produit des résultats efficaces, même dans une société « bureaucratique » comme peut l’être un fabricant de composants électroniques. Notre premier objectif est, dans cet exemple, atteint.
Quelles valeur client ?
Notre processus n’est en application que depuis 6 mois. Il est donc trop tôt pour en faire le bilan complet. Mais on peut d’ores et déjà tenter une estimation de valeur client. Conformément aux règles de la phase 3 de FIM, nous devons calculer une estimation financière, que le client partage.
Ce client a défini un objectif chiffré : d’ici la fin de 2009, avoir construit 4 projets de nouveaux produits, capables de générer chacun 3 M€ de marge brute annuelle. Ce qui correspond à une valeur d’entreprise de
3 M€ * 4 * 10 (multiple) = 120 M€.
Il est évidemment trop tôt pour savoir que cet objectif sera tenu. Mais on peut d’ores et déjà affirmer qu’au moins deux des quatre projets auraient été ratés sans notre processus, soit une estimation de valeur client dont l’ordre de grandeur serait de 60 M€ !
Même en appliquant un coefficient d’échec de certains projets, la valeur d’un bon processus de gestion de l’innovation se chiffre donc en millions, voire en dizaines de millions d’euros pour une entreprise de taille moyenne.
Notre deuxième objectif, mesurer la valeur client, est donc atteint. Quant au dernier, le processus de vente, il est encore en chantier.