Publié par riahik le

From Innovation to Market : une méthode générale de "go-to-market" pour les innovations de rupture

Depuis 20 ans, je travaille dans un environnement de start-up et d’innovations de rupture. J’en ai vu beaucoup qui ont échoué, et encore plus qui ont mis des années à décoller, tâtonnant pour trouver des clients. Heureusement, au cours de mes activités, des solutions me sont apparues, que j’ai rassemblées en une méthode générale : la « méthode FIM » (From Innovation to Market). C’est une méthode systématique pour accélérer la vente d’une innovation.

La méthode FIM est concentrée sur la valeur de l’innovation, et particulièrement la valeur perçue. L’expression « valeur perçue » regroupe trois sens :

  1. La valeur d’usage : à quoi mon innovation peut-elle servir, quel est le meilleur problème pour ma solution ?
  2. La valeur économique : combien mon innovation apporte-t-elle à mon client ? Combien puis-je la facturer ?
  3. La valeur sociale : quelle est le sens de mon innovation et de mon action pour le monde ? Pour ma société ? Pour moi ?

Les articles qui suivent décrivent la méthode FIM et son impact pour accélérer des ventes d’une innovation, en commençant par ce qui rend la vente d’une innovation de rupture en B2B si difficile.

Pourquoi vendre une innovation est-il si difficile ?

Une innovation de rupture est quelque chose de tellement nouveau qu’elle permet voire impose de nouveaux usages, ou de nouveaux fonctionnements. Dans le monde du B2B, cette définition a des conséquences lourdes :

  1. L’innovation rend possible la satisfaction de besoins que le client ne sait généralement même pas qu’il a ! Donc des usages que l’inventeur n’a souvent pas imaginés.
  2. L’innovation va modifier les modes de fonctionnement du client. Il faudra donc en passer par une phase de changement, toujours lourdes et pleines d’opposants.
  3. En face, la personne qui bénéficie de l’innovation n’est pas pressée. Elle a vécu des années sans.
  4. Et enfin, comment mettre un prix sur une innovation radicalement nouvelle ?

Il n’est donc pas surprenant qu’il soit si difficile de faire décoller une start-up, au moins dans le monde du B2B.

Il n’est pas surprenant que les méthodes classiques du business development soient aussi inefficaces ici.

Il n’est enfin pas surprenant que la rentabilité des business angels et des fonds de capital-risque, ceux qui financent les innovations, soit en moyenne si peu satisfaisante.

Et donc il est logique de construire une méthode spécifique pour accélérer la vente d’une innovation de rupture.

Le canevas de la méthode FIM

La méthode FIM est née en 2017, à la suite de plusieurs contrats de conseils, au cours desquels j’ai dû utiliser des méthodes originales. Je me suis aperçu que ces méthodes ponctuelles pouvaient être assemblées pour construire une méthode systématique de « construction d’un modèle de vente » pour des innovations de rupture en B2B, et que cette méthode permet d’accélérer les ventes d’une innovation, surtout de rupture.

La méthode FIM comporte six éléments, dont les cinq premiers sont des étapes successives et le dernier un soubassement :

1) Imaginer (la phase de créativité): au cours de cette phase, on recherche toutes les applications possibles de l’innovation, avec leurs marchés. Puis on les classe par priorités, et on en sélectionne les plus prometteurs pour la suite.

2) Comprendre (la phase d’exploration) : on interroge un échantillon de clients de chaque segment de marché, pour comprendre leurs processus, leurs objectifs réels et leurs modes de fonctionnement. On en déduit quelques propositions de valeurs de l’innovation, pour la troisième phase.

3) Motiver le client, le mettre en situation (la phase de validation) : cette phase prend la forme de « ventes prototypes ». On co-construit, avec le client, la valeur financière qu’il tirera de l’offre. Puis on identifie les futurs opposants, et on co-construit avec eux une solution à leurs difficultés. Dès cette étape, on peut accélérer la vente de l’innovation.

4) Démontrer (La phase de démonstration) : on réalise un pilote chez le client, qui prouve que la promesse est tenue.

5) Modéliser (la construction du modèle de ventes) : il s’agit maintenant de définir formellement le modèle de vente, de rédiger la documentation commerciale. Il est parfois nécessaire de définir une formation des vendeurs.

J’ai observé que, dans environ un tiers des cas de start-up, la personnalité du patron devient à un moment un obstacle à la croissance. C’est pourquoi j’ai ajouté un soubassement essentiel, transversal :

6 – le soubassement (quel sens, quelles valeurs pour la patron ?) : expliciter ses valeurs et ses croyances, faire qu’elles soient totalement alignées avec la stratégie, et fournir les outils du leadership qui auraient pu lui manquer.

Tous mes clients sont différents. C’est pourquoi toutes mes interventions sont différentes. Ce qui précède n’est qu’une description théorique, un guide.

La phase de créativité
Imaginer

C’est la première phase de la méthode FIM. Son objectif : trouver les meilleures applications de l’innovation.

Elle répond à une constatation : beaucoup d’innovations décollent pour faire quelque chose que leur inventeur n’avait pas imaginé.

Le cas du téflon (le matériau anti-adhésif des poêles) est un bon exemple. Ce matériau était à sa naissance vu comme un produit très résistant à la corrosion. Il était alors utilisé pour faire des joints de fusées, capables de tenir les propergols très agressifs de leurs moteurs. Ce n’est que plusieurs années plus tard que la femme de l’inventeur a eu l’idée de s’en servir pour les casseroles. D’où est née, encore plusieurs années plus tard, la poêle Téfal.

La recherche de la bonne application prend, selon mon expérience, typiquement 3 à 5 ans. Accélérer ce processus économise des millions d’euros. C’est l’étape la plus délicate, mais aussi la plus efficace, pour accélérer la vente d’une innovation.

Une des clefs de cette phase est de concentrer les recherches sur la future valeur perçue par le client.

Notre première phase est la phase la plus imprévisible, car la seule réellement créative. Elle met en œuvre au moins éléments :

  1. Définir quelles sont les limites de l’innovation. Nous contentons nous de ce qui a été développé, ou acceptons-nous une certaine dose de nouveaux travaux ?
  2. Explorer toutes les applications. C’est la partie imprévisible. Avec certains de mes clients, nous cherchons de nouvelles applications pour les clients déjà connus. Avec d’autres, nous cherchons tous les clients qui auraient besoin de fonctions similaires. Nous utilisons parfois des experts d’un domaine technique. Les techniques de créativité classiques sont indispensables.
  3. Classer les idées par priorité. La méthode FIM comporte une grille de tri, dans laquelle la valeur perçue sera une clef essentielle. A partir de ce moment, nous allons en permanence évaluer les perspectives, élaguer les branches mortes et recadrer les branches prometteuses.

Le résultat de cette phase est une liste d’une ou de quelques applications prometteuses, avec leurs segments de marché.

La phase d’exploration : Comprendre

C’est la seconde phase de la méthode FIM.

Elle permet de découvrir les besoins clients que notre innovation pourra satisfaire, sans se contenter de l’intuition, souvent limitée, de la phase 1. Elle permettra aussi de découvrir des obstacles à la vente et à la mise en œuvre, et permettra ainsi de gagner beaucoup de temps dans la suite. Enfin, elle permettra d’affiner les priorités.

Parfois, on pourra s’en passer. Dans d’autres cas, elle donnera des résultats surprenants.

Exemple : la société ista mesure les consommations d’eau et de chauffage des logements HLM. Elle se proposait d’ajouter à son offre des solutions de mesure des chaufferies des immeubles de logements. L’étude a montré que cette idée ne répondait à aucun vrai besoin de ses clients. En revanche, l’enquête a fait émerger un véritable intérêt pour la mesure des températures dans les logements : pour mieux piloter le chauffage (qualité pour les clients), et pour mieux concevoir les rénovations énergétiques. Aucune de ces idées ne serait sortie sans la démarche de notre phase 2.

Voir aussi l’histoire d’une société de planification des réseaux ferroviaires

Cette phase consiste à sélectionner un échantillon de clients, aussi représentatif que possible, et à in interroger les personnes qui gèrent les processus qui nous intéressent. La démarche est ouverte, puis se ferme progressivement. Elle recherche à comprendre l’organisation, les objectifs véritables des parties prenantes, les procédures internes, et les risques de résistance.

Elle fonctionne parce que les clients aiment parler d’eux. Elle est efficace pour accélérer les ventes d’une innovation, surtout dans le cas de clients de grande taille.

La phase de validation
Mettre le client en situation

En sortie de phase 2, nous disposons de canevas d’offres, avec des bénéfices pour des parties prenantes bien identifiées sur un ou des segments de marché. Il faut maintenant vérifier la pertinence de ces offres. En particulier, nous devons répondre à une des difficultés des innovations de rupture : transformer un client mollement intéressé en client volontaire, le faire rêver.

Nous allons, lors de « ventes prototypes », faire imaginer au client sa vie avec l’innovation. Et nous allons lui faire calculer son bénéfice (encore la valeur perçue).

Beaucoup de mes clients pensent qu’il est impossible de valoriser financièrement des avantages qualitatifs. Or une bonne méthode permet de valoriser presque toutes les innovations. Avec un de mes clients, nous avons ainsi pu calculer précisément la valeur apportée par le bien-être thermique des consommateurs dans un magasin !

En faisant le calcul, le client se met psychologiquement en position d’acheteur. La solution passe du statut d’idée intéressante à idée utile. En plus, on peut définir un budget pour satisfaire les opposants.

Lisez l’exemple qui a été à la base de la méthode FIM : la vente d’une logiciel critique à une très grande banque en 4 mois. Un exemple spectaculaire où nous avons pu accélérer la vente d’une innovation de rupture.

Le savoir-faire correspondant (estimation et utilisation de la valeur perçue) est très original. Il a beaucoup d’autres usages. Il permet par exemple de construire de manière objective les priorités d’une startup, ou d’estimer l’intérêt d’une offre nouvelle.

La phase de pilote
Démontrer

Dans beaucoup de cas de ventes en B2B, le client voudra faire un test, en conditions réelles. Il s’agira à la fois de vérifier que la solution marche chez lui, et qu’elle tient ses promesses. Ce test est à traiter comme la dernière étape du processus de vente. Une mauvaise conception et une mauvaise exécution de ce test peut faire perdre le client pour des années.

Or, comme pour le reste du processus de vente, le cas des innovations de rupture est spécifique. En particulier, l’innovation va modifier les méthodes de travail, de la partie prenante qui achète mais aussi souvent d’autres services. Les opposants prendront tout prétexte pour critiquer la solution.

Lisez l’exemple de la société Hydrelis, inventeur du disjoncteur, et qui a mal géré un test chez son principal prospect.

Voici quelques conseils de base.

  1. Définissez clairement les objectifs du pilote.
  2. Définissez les critères de succès.
  3. Ayez un plan de test type, qui sera fourni au client lors de la vente.
  4. N’hésitez pas à facturer le test : ce qui est gratuit n’a pas de valeur.
  5. Identifiez exhaustivement les personnes qui interviendront ou seront impactées par le test, tenez compte de leurs besoins quotidiens.
  6. Apportez du soin à la gestion du projet.
  7. Impliquez une personne de haut niveau chez votre client, faite le travailler au moins un peu.

Bonne chance, le succès de votre vente est au bout 😊.

La phase de transfert
Modéliser

C’est la fin, le but de l’ensemble de la démarche : construire tous les outils et les méthodes de vente.

Lors de cette phase, et en fonction des besoins, il faut penser à

  • La définition précise de l’offre, y compris les bénéfices qu’elle apporte, sa présentation et son prix (voir les phases d’exploration et de validation)
  • La démarche de vente (voir la phase de validation) et de mise en œuvre (voir la phase de démonstration)
  • La formation des vendeurs
  • Les outils de vente (plaquette, document techniques, contrats types)
  • Les éventuels accords de distribution.

Ici encore, il faut dégager les particularités des innovations de rupture. A celles que nous connaissons déjà, et qui sont normalement résolues par les étapes précédentes, il faut en ajouter une : la crédibilité de la solution, et la difficulté d’un nouveau client à en comprendre la nature rapidement. L’expérience m’a enseigné deux leçons importantes.

La solution doit être évidente techniquement. C’est très difficile, mais essentiel. Le bon test est simple : si, lors de la première présentation, vous avez trois questions techniques ou plus, vous avez échoué. Vous perdrez beaucoup de temps à expliquer.

Les images sont de très puissants porteurs de messages. Tous vos documents doivent porter les bons messages implicites.

Quand vous aurez tout fait, vous aurez un modèle de vente. Vous saurez le niveau de ressources nécessaire pour réussir, vous connaitrez le temps de cycle normal, vous aurez une référence pour piloter vos commerciaux, et, last but not least, vous aurez de quoi convaincre vos actionnaires 😊.

Un soubassement transversal : le patron

Les cas de sociétés dont la croissance a été limitée, voire bloquée, par des attitudes ou des croyances du dirigeant, sont nombreux. Un fondateur de start-up, et un innovateur en général, est souvent une personnalité atypique, voire excessive dans certains de ses traits de caractère. A un moment, cette originalité peut devenir un obstacle. Trop souvent, cela conduit à la faillite, ou à un licenciement du fondateur, alors qu’il est généralement beaucoup plus rapide, efficace et agréable de travailler sur le dirigeant. Accélérer la vente d’une innovation de rupture passe donc souvent par un travail sur le dirigeant.

Voici l’exemple d’une start-up, éditrice d’un logiciel d’édition journalistique, qui avait construit une position quasi monopolistique en France. Voulant s’internationaliser, le fondateur, Marc, a recruté des patrons locaux, sans que l’activité internationale décolle. Le principal actionnaire a fini par comprendre que Marc, ayant peur de voir sa société grandir et d’en perdre le contrôle, ne recrutait que des seconds couteaux.

En pratique, il suffit généralement de lui faire prendre conscience de ses valeurs, de lui faire travailler sur le sens de son action, et de lui enseigner quelques techniques de comportement.

Les fondations méthodologiques de cette phase, transversale, sont :

  1. L’ennéagramme, un outil très efficace de travail sur les motivations, les valeurs et les croyances, donc sur le sens de l’action du dirigeant et de la société
  2. Complété par la PNL, qui permet de rendre concret et efficace le travail sur les valeurs et les motivations,
  3. Plus un ensemble de techniques de comportement et de communication utiles aux dirigeants : détecter une non-congruence, recadrer, donner des objectifs, faire un reproche…

La très bonne nouvelle est qu’il suffit en général de quelques séances de discussion et de formation pour régler les plus importantes et les plus fondamentales de ces difficultés.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à me contacter au 07 5283 7620 ou à remplir le formulaire ci-dessous



    Catégories : Méthodes