Publié par riahik le
La phase 4 : réussir son pilote
J’ai rencontré plusieurs cas d’innovations de rupture échouant au moment de la phase pilote. C’est un moment très critique, où de longs efforts et de lourds investissements aboutissent enfin à un contrat. Dans les cas que j’ai connu, l’échec du pilote a fait perdre plusieurs années de développement. Or il est possible, avec une bonne méthode, d’éviter la plupart des pièges.
Ma première expérience, avec la société Hydrelis
Entre 2010 et 2016, je dirigeais Hydrelis. Cette société avait inventé un concept intéressant : le disjoncteur d’eau. En coupant l’eau en cas de fuite, ce produit protégeait les installations et permettait une maintenance efficace des réseaux.
A cette époque, je n’avais pas développé ma méthode de vente d’innovations de rupture. Mais je disposais déjà de certains de ces éléments, en particulier le pilotage par la valeur perçue (dont je parlerai ultérieurement).
J’avais identifié deux clients pour lesquels nous avions de vraies perspectives. L’un d’entre eux était la SNCF et ses gares, dont les réseaux d’eau sont à la fois complexes et sujets à de nombreuses fuites. C’était le client idéal, avec de gros besoins, des volumes potentiels importants et une forte visibilité.
J’avais donc chargé un de mes deux directeurs commerciaux de ce compte. Ensemble, nous avions obtenu deux ensembles de pilotes, l’un en Bretagne et l’autre dans la région Centre. Nous voulions, avec notre client, démontrer la réalité des fuites et la capacité des disjoncteurs à les détecter.
Faute d’une méthode rigoureuse pour cette phase, nous avions totalement négligé de prêter attention aux risques d’oppositions internes. N’oublions pas que toute innovation de rupture dérange. Ce qui devait arriver arriva.
Dans une gare, un de nos disjoncteurs a coupé l’eau, ayant détecté une fuite importante. Un agent de la gare, qui n’était tout simplement pas informé de la présence de notre appareil, s’est plaint. Notre sponsor interne à la SNCF n’a pas voulu prendre le risque de défendre notre solution, car il n’était pas très puissant en interne.
Nous avons définitivement perdu ce compte. Et Hydrelis a perdu, à cause de ce petit loupé, au moins 3 ans dans son développement commercial.
Quelques règles pour réussir son pilote d’une innovation de rupture
Cette histoire met en évidence une des difficultés de vendre une innovation de rupture : le bénéficiaire est normalement un « client mou », alors que les opposants sont des « opposants durs ». Elle démontre aussi les risques inhérents à tout pilote d’une innovation de rupture.
Elle démontre l’importance d’une méthode très exigeante de gestion des pilotes pour une startup, surtout avec les clients stratégiques.
Depuis cette première expérience, j’ai vu plusieurs startup échouer à ce moment de leur cycle de vie. C’est pourquoi le thème « pilote d’innovations de rupture » fait maintenant l’objet du module 4 de la méthode FIM (From Innovation to Market).
Voici, à titre d’échantillon, quelques règles importantes :
- Se focaliser sur un bénéfice client unique (ce qui résulte normalement de la phase 3 de la méthode FIM)
- Avoir identifié tous les services ou toutes les personnes qui pourraient être impactées par le pilote (une suite de la phase 2 de la méthode FIM)
- Contractualiser le pilote. Idéalement, le contrat précis objectifs et les conditions de succès. Idéalement, il contient des clauses qui préparent le déploiement
- Avoir un excellent chef de projet
- Décharger le client au maximum
- Tout en impliquant un responsable important chez le client (ce qui est possible si on est passé au dessus des radars et si le bénéfice est important).
Vous savez l’essentiel. N’hésitez pas à me demander des précisions.