Publié par SEO920076 le

Les responsables des fonds de private equity estiment, presque tous, que l’intelligence émotionnelle est une composante clef de leur métier. Mais ce sont en majorité des financiers. Ils ont rarement rencontré de bons formateurs en intelligence émotionnelle.

Il suffit qu’un accident de marché survienne pour qu’un cercle vicieux s’immisce dans les relations interpersonnelles, même pour les dirigeants les plus talentueux. C’est pourquoi l’intervention d’un tiers, expert en intelligence émotionnelle, peut s’avérer décisive dans des situations aussi délicates…

L’histoire qui suit est réelle, mais anonymisée. Elle s’est produite à l’automne 2018. C’est un exemple de dérive émotionnelle, se traduisant par une méfiance réciproque entre le fond de private equity et le dirigeant.

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Voici la situation au moment où j’ai rencontré le fond de private equity et le dirigeant d’une de ses participations.

L’entreprise avait été frappée par un accident de marché, qui avait conduit à une rupture de covenant vis-à-vis des ses banques prêteuses. Le fond avait alors mis le dirigeant sous pression, exigeant un plan de retournement ferme et le recrutement d’un numéro 2. Des maladresses avaient probablement été commises, et la situation entre les deux parties étaient marquée par une profonde défiance.

Le fond me disait, en aparté :

« Il (le dirigeant) nous cache des choses », « il n’a pas d’autorité », et « c’est son directeur financier qui décide tout et qui refuse le changement ».

De son coté, le dirigeant se sentait menacé. « Ils (les dirigeants du fond) veulent me remplacer », « ils me court-circuitent », « il faut que je négocie mes conditions de départ ».

Un cercle vicieux d’intelligence émotionnelle entre le private equity et le dirigeant

Plusieurs cercles vicieux émotionnels étaient à l’œuvre.

    1. La suspicion du fond de private equity le conduisait à poser des questions directement aux collaborateurs du dirigeant. Donc le dirigeant se méfiait, et cherchait à empêcher toute remontée d’information sur certains sujets sensibles. Alimentant ainsi le reproche d’opacité, et la suspicion.
    1. Le dirigeant se positionnait comme un animateur d’équipe plutôt que comme un chef autoritaire. Dans une situation de crise, le fond ressentait ce positionnement comme trop « mou » pour une situation de crise. Il cherchait donc à forcer les mutations. Ce que le dirigeant ressentait comme du micro-management. En réunion, il était sous pression, ce qui le conduisait à laisser ses collaborateurs parler … alimentant le reproche de manque d’autorité et de flou.
    1. Le fond, frustré, voulait imposer son candidat au poste de numéro 2. Ce que le dirigeant ressentait comme une attaque. Il réagissait en refusant les demandes du fond, alimentant la suspicion.
  1. Enfin, le fond était lui-même sous pression, car il avait entrainé des fonds amis dans l’investissement. Il voulait donner une image de maîtrise à ces amis, ce que la situation relationnelle ne permettait pas. Plus le dirigeant donnait le sentiment de flou, plus le fond cherchait à donner une image « carrée ».

Tout ceci est du domaine de l’intelligence émotionnelle, tant du coté du fond de private equity que du coté du dirigeant. Les solutions ont été de deux natures. Nous avons eu la chance d’un retournement de marché, et nous avons travaillé sur l’intelligence émotionnelle des deux parties.

Quelques outils d’intelligence émotionnelle au service du private equity

Mon travail de coach de dirigeant s’est déroulé en 4 étapes.

1 – Se faire accepter par le dirigeant

J’ai été présenté au dirigeant par le fond. Dans ce genre de situation, il est essentiel de donner immédiatement confiance au dirigeant, qui sera mon client. Il m’a donc fallu un travail en finesse sur ma déontologie, tout au long de mon intervention : il devait être évident que je ne serai au service que du dirigeant, et en même temps que le fond bénéficierait de mon action.

Cela a marché. Le dirigeant m’a dit, quelques semaines plus tard : « Ca a marché entre nous parce que j’ai compris que tu serais objectif ». Un compliment important dans une situation polluée par des arrières pensées et des jugements de valeurs.

2 – Corriger le déficit d’affirmation du dirigeant par l’Ennéagramme

Une de nos premières séances a consisté à dresser la carte Ennéagramme du dirigeant. Il s’est avéré appartenir à la base 9. Ce sont des personnes qui cherchent le consensus, qui peuvent ne pas percevoir leurs objectifs et qui peuvent avoir du mal à s’affirmer. Sur cette base, mon client a compris que son positionnement consensuel faisait partie de sa personnalité, mais aussi qu’il pouvait s’affirmer.

Cela l’a apparemment aidé à s’affirmer, ce qu’il a fait très rapidement, grâce à ses qualités personnelles et à la solidité de sa personnalité.

3 – Corriger le déficit d’affirmation du dirigeant par des techniques de communication

Ensuite, j’ai demandé au dirigeant de revivre plusieurs situations de communication avec son actionnaire. A chaque fois, je lui ai montré comment il aurait pu s’affirmer de manière saine, sans risque pour le consensus et l’esprit d’équipe.

Nous avons aussi travaillé sur son positionnement avec des techniques d’analyse transactionnelle. En gros, le message était « Tu auras les actionnaires que tu mérites. Tu es l’adulte, c’est à toi de corriger les défauts de communication. Les tiens et ceux des autres ».

Ici encore, cela a fonctionné très vite, grâce aux qualités de ce dirigeant.

4 – Assainir la communication avec le fond par la CNV

La CNV est un outil de construction d’intelligence émotionnelle, que j’ai explicitement utilisée avec le fond de private equity et le dirigeant (voir mon article « La CNV, un premier pas vers l’intelligence émotionnelle« .

Nous avons organisé une longue réunion, dans laquelle j’ai demandé au fond de préciser tous ses reproches et tous ses problèmes avec le dirigeant. Mon travail de coach de dirigeant a consisté à forcer le fond à rendre ses critiques objectives, factuelles. Ce fut un travail fatigant, car le patron du fond était une personne très vive, très intuitive et très émotionnelle, qu’il était difficile de maintenir sur les faits.

Dans un second temps, le dirigeant a pu donner des réponses qui ont satisfait le fond. En particulier, nous avons pu définir un cahier des charges conjoint pour le profil du futur numéro 2.

Une relation reconstruite, saine et apaisée en 2 mois

Ces actions se sont déroulées en moins de deux mois. Très vite, le dirigeant à pris contact avec tous les actionnaires et tous les prêteurs, avec la même démarche de recherche objective des besoins et des demandes. Il s’est affirmé.

Il a élargi sa recherche d’un numéro 2, et a pu trouver un candidat remarquable. Ce candidat a été immédiatement accepté par le fond.

Les relations ont été pacifiées, la confiance reconstruite.

A la suite de cette opération, le fond m’a demandé d’enseigner certaines techniques de communication au sein de son équipe. Ceci est une autre histoire, qui fera l’objet d’un article prochain.

Conclusion : les outils du coach de dirigeant au service du private equity

Dans cet exemple, la situation émotionnelle a entrainé beaucoup de perte d’énergie. Elle aurait surtout pu conduire à de mauvaises décisions, comme le recrutement d’un mauvais numéro 2, ou le remplacement brutal du dirigeant dans une situation de crise.

Dans cette entreprise, l’enjeu principal est de construire et mettre en œuvre un plan de restructuration et une nouvelle stratégie. Il pèse environ 70 M€ de CA annuel, et 10 M€ de marge brute. Les mauvaises décisions que je viens d’évoquer auraient coûté 6 mois de retard, soit environ 5 M€ de marge brute (sans compter les dégâts sur le positionnement stratégique). En face, mon intervention a couté moins de 20 k€. Un TRI de moins de 2 jours !

Ce ratio est classique. L’intervention d’un coach pour améliorer l’intelligence émotionnelle dans une situation de private equity est un des investissements les plus rentables que je connaisse.